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Arthur DARMEL, artiste lyrique
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Arthur DARMEL, artiste lyrique
11 février 2011

Arthur, Léon, FRANCOIS dit DARMEL (1879-1944)

darmelalaville


En 1981, je pousse mon père à écrire au conservateur, à l'époque Monsieur Rousseau, du musée du Théâtre Royal de la Monnaie à Bruxelles où Arthur Darmel, fit ses débuts. Une longue correspondance s'en suivit d'où il ressortit que mon grand-père y était "répertorié" mais sans doute pas à la hauteur de ce que fut sa réputation et certainement moins que d'autres artistes contemporains de mon grand-père.
Cela permit toutefois de collecter un certain nombre de photographies essentiellement de son époque "baryton" mais aussi de recueillir d'intéressantes précisions chronologiques quant aux représentations auxquelles il participa mais aussi quant à leurs distributions. Cela permit également d'étendre le champ de cette recherche à son épouse la mezzo Hélène Bardot.
Ce fut pour mon père un élément déclencheur et de même que je lui demandais de coucher sur le "papier" certains de ses souvenirs personnels, témoignages que je conserve précieusement, j'obtenais qu'il couche également sur le "papier" une biographie de son père. Pour l'aider, il pouvait s'appuyer naturellement sur ses propres souvenirs mais aussi sur quelques documents sauvegardés par lui ou recueillis par moi soit familialement soit par le biais d'autres recherches.
Ce travail de mémoire prend pour moi aujourd'hui une coloration toute particulière, je ne pensais pas alors que je perdrais brutalement mon père quatre ans plus tard à l'âge de soixante-cinq ans, l'âge exact où lui-même avait perdu le sien.

J'ai donc retranscrit intégralement ci-dessous la biographie initialement manuscrite rédigée par mon père. En caractères italiques apparaissent quelques ajouts de mon cru pour une meilleure compréhension du texte.


darmeljeuneavecmoustaches

 

 

"Né le 20 mars 1879 à La Bouverie (près Jemappes) en Belgique. Aîné de cinq enfants –

Père : François François, mineur de fond de neuf ans et cinq mois à trente-trois ans où il sort de la mine les deux jambes brisées, sans pension et illettré. Il apprend à lire, écrire et compter en même temps que son fils Arthur, celui-ci l'aide à ramasser les œufs, le beurre et les fruits dans les fermes puis à gérer le petit fond d'épicerie et le bout de terrain que son père et sa mère Lucie ont réussi à obtenir après une dizaine d'années de travail acharné.

Le jeune Arthur joue du cornet à piston dans l'harmonie du village dès ses quinze ans. En 1898, sa belle voix est remarquée, Conservatoire de Mons, classe de Monsieur Tondeur (chant), qui, estime en 1900 qu'il doit aller au Conservatoire de Bruxelles, il y entre en 1900 dans la classe de Monsieur Demest – Premier prix en 1903.

Il est immédiatement engagé à la Monnaie et, de 1903 à 1907 il y joue tout le répertoire d'opéra et d'opéra-comique comme baryton. Déjà, à cette époque le célèbre ténor de Cléry et Caisso, lui aussi une célébrité, lui conseillent de chanter les ténors mais cependant, Arthur François ne veut pas lâcher la proie pour l'ombre et préfère son emploi de baryton pour lequel il a été engagé.

En 1907 c'est le départ d'une tournée brillante dans la province française et en Suisse.

D'abord à Reims où il connaît Hélène Bardot, sa cadette de cinq ans, mezzo parisien, 1ère médaille de Paris en solfège (1906), 1er prix de chant en 1907 (Conservatoire de Paris) avec rappel de 1er prix et félicitations du jury en 1908 (également 3ème médaille de piano).

En été 1908 ils se marient puis font la saison de Genève, Tours en 1909 ainsi que Limoges, Lausanne, Royan et Saintes.

Arthur François, pendant toutes ces saisons chante les rôles de baryton et sa femme les mezzo – Werther, Noces de Jeannette, Rigoletto, Thérèse, la troupe Jolicœur, la Navarraise, le Roi d'Ys, Hérodiade, Lohengrin, Samson et Dalila, Carmen, Faust, Mireille, l'Africaine.

 

C'est à Tours en 1909, que le grand ténor Campagnola, de l'Opéra de Paris, l'entendit faire quelques exercices dans les notes élevées (leurs loges étaient voisines); il bondit hors de sa loge et va trouver François. "Si tu ne chantes pas les ténors avec cette voix-là tu n'es qu'un c…!" Cette apostrophe énergique du grand ténor méridional lui donne à penser tant qu'il va à paris consulter le grand chanteur et professeur Imbart de La Tour. Celui-ci est formel : Arthur François est un fort ténor. Celui-ci accepte le risque de travailler deux ans les ténors en interrompant une carrière de baryton pourtant déjà solide.

Il en est récompensé car, en 1911, il est engagé au Royal Covent Garden de Londres où il chante comme premier ténor Faust (rôle de Faust) sous le nom de Darmel aux côtés de la Divine Melba (avec huit rappels), chef Signor Panizza, et les Huguenots dans le rôle de Raoul (1er ténor) aux côtés de la Tetrazzini (Neuf rappels), chef Signor Campanini.

Melba veut l'engager pour l'Australie à des conditions mirifiques, Covent Garden lui signe un engagement très important pour 1912 et 1913.

Mon père tient à ne pas se séparer de ma mère qui a chanté les mezzos à Londres dans cette même saison dans Lakmé (rôle de Malika) à côté de Tetrazzini et du ténor célèbre John Mac Cormack, chef : Panizza.

D'autre part, Imbart de la Tour lui conseille de ne pas céder au mirage de la Province et de l'étranger et de se construire d'abord une base de départ solide, en effet Messieurs Kufferath et Guidé lui offrent un engagement de trois ans comme premier ténor de la Monnaie de Bruxelles; il accepte et signe, il sera accompagné de sa femme Hélène Bardot-Darmel engagée comme premier mezzo.

Arthur Darmel fait donc ses débuts à la Monnaie, Théâtre Royal de Bruxelles, en septembre 1911 dans Samson et Dalila avec un énorme succès (Etoile Belge – Le Soir – La Chronique – La Dernière heure – Le National et le journal français Comedia).

Le soir de la première la foule l'attend à la sortie où il se présente en compagnie de Otto Lohse, son grand chef d'orchestre, ils sont acclamés. Son père François François est là dans la foule, Arthur écarte ses admirateurs et va chercher son père, les deux hommes s'embrassent en pleurant.

Le 8 septembre Hélène Bardot-Darmel avait chanté Louise, pour la réouverture de la Monnaie aux côtés de Claire Friché.

Ils chanteront ainsi tous deux à la Monnaie jusqu'en 1914. Arthur Darmel après Samson et Dalila, chantera Hérodiade et tout le répertoire classique d'opéra. Il créera Déjanire, Roma, Pénélope, la Fille du Far-West et enfin Parsifal (janvier-février 1914, en alternance avec le ténor Hensel).

Durant la même époque Hélène Bardot créera le chant de la cloche de Vincent d'Indi (rôle de la mère).


Le 29 juin 1914 Arthur Darmel débute à l'Opéra de Paris dans Parsifal (il chante les deux dernières représentations en juillet 1914). Puis (il chante) les Huguenots et Lohengrin; en 1916 il crée Théodora (de Xavier leroux); en 1918 (il chante) Aïda, Thaïs; Monna Vanna, en 1919 Othello, Hélène, Patrie (de Paladhile) dont il chante la dernière.

En 1920 il reprend Paillasse qui n'a pas été joué à l'opéra depuis 1902 (mais dont il a été le principal titulaire de l'opéra-comique de 1915 à 1918), Salammbô, la Légende de Saint-Christophe. En 1921, la Walkyrie et la Damnation de Faust.

Sa femme, Hélène Bardot-Darmel, débute le 3 novembre 1918 à l'opéra de Paris dans Thaïs, puis (viennent) guillaume Tell, Rigoletto, Roméo et Juliette; en 1919 Faust, 1920 Samson et Dalila; en 1921la Walkyrie. Le 14 mars 1921 elle crée Antar (de Gabriel Dupont) dans le rôle de la mère d'Antar.

En même temps qu'il est à l'opéra, Arthur Darmel est à l'opéra-comique où il débute le 15 août 1915, il reprend Aphrodite (rôle de Démétrios), chante Carmen (Don José), Julien, Jean dans les Quatre journées (d'Alfred Bruneau), la Tosca (Cavaradossi), le Maréchal Lefèvre dans "Madame sans-gêne" et Werther.

Mais surtout, pendant ces trois années, il sera le principal Canio de Paillasse, à la 50ème reprise le 31 mai 1917, il sera Canio, Henri Albers sera Tonio et André Baugé Sylvio.

 

En 1921, malgré le soutien du grand directeur de l'opéra Jacques Rouché grand mécène, grand mélomane, Arthur Darmel quitte l'opéra, victime du contingentement qui frappe les chanteurs "étrangers" (il sera naturalisé français en 1925) et sa femme part également puisqu'elle a épousé un belge !

Dès 1922 une troupe allemande remporte un triomphe à l'opéra et est couverte de fleurs, mais n'insistons pas sur ces histoires de cabales dues à la jalousie et non pas au nationalisme qui n'était qu'un prétexte.

Arthur Darmel et sa femme n'en continue pas moins une belle carrière en province et à l'étranger (entretemps il y a eu trois fils, en 1910, 1913 et 1920 ce qui explique l'interruption de carrière de sa femme entre 1914 et 198, en 1920 elle chante sur la scène de l'opéra dans le rôle de Dalila enceinte de huit mois de son 3ème fils c'est-à-dire moi-même).

En 1921, 1922, 1923, saisons brillantes au Grand Théâtre de Genève, Arthur Darmel se consacre maintenant surtout à Wagner mais garde l'ensemble de son répertoire. En 1924 Grand théâtre Liceo de Barcelone; en 1927 opéra d'Alger (Samson et Dalila – Lohengrin). Sa femme l'accompagne dans toutes ses tournées et chantera à ses côtés. En 1929 : tétralogie au festival de Bordeaux (dernière en France avant la guerre de 1939).


En 1930 il quitte la scène, se fixe près de Paris, à Maisons-Laffitte, définitivement et devient professeur de chant au Conservatoire de cette ville, sa femme est également professeur. Il donne des leçons privées également et ne monte plus sur scène que pour des galas de bienfaisance en France, en Belgique (catastrophe de Lambrechies) et en Suisse.

En 1939-1940 la guerre lui porte un coup sévère, ses deux fils aînés sont faits prisonniers, le plus jeune mobilisé.

En 1942 un cancer digestif le frappe, après deux ans de martyr et quatre opérations successives il meurt le 1er mai 1944 avec sérénité car il aura la consolation de revoir ses trois fils vivants autour de lui avec sa femme qui ne l'aura jamais quitté au cours de cette belle carrière, depuis 1908, et qui lui tiendra la main jusqu'au dernier soupir (elle mourra, également d'un cancer, le 20 mars 1954, elle était née le 12 mars 1884).

Ainsi finit ce grand chanteur que la presse belge de 1911 qualifiait de nouveau Caruso lors de ces débuts de ténor à la Monnaie, au retour triomphal de Londres, mais qui fut aussi un homme généreux et vaillant et un père que je pleure toujours."

 

Carte_d_identit__Arthur_Fran_ois

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Commentaires
Arthur DARMEL, artiste lyrique
  • Arthur FRANCOIS dit DARMEL (1879-1944), fut un grand artiste lyrique de l'école de chant belge. Baryton puis ténor, sa brillante carrière s'est déroulée jusqu'en 1930 au sein des plus prestigieuses institutions à Bruxelles, Londres et Paris notamment.
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