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Arthur DARMEL, artiste lyrique
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Arthur DARMEL, artiste lyrique
19 février 2011

Jeunesse dans le Borinage (1896-1897)


Avoir 17 ou 18 ans dans ces années-là et à cet endroit du monde, c'est difficile à imaginer bien que le moteur de l'âme humaine soit toujours le même.

Mon père m'a donc rapporté l'anecdote suivante qui constitue l'une des clés pour comprendre la trajectoire d'Arthur Darmel, qui même si l'oubli la recouvre n'en reste pas moins intéressante. Arthur s'adressait à son fils René, je n'ai fait que formaliser sous forme d'un court récit, cette historiette.

"A l'époque j'accompagnais ton grand-père qui était devenu épicier. Remonté les deux jambes brisées du puits de mine où il extrayait le charbon, il ne pouvait plus être mineur; la famille n'ayant plus rien pour vivre, il décida alors d'acheter en s'endettant un lopin de terre pour cultiver des patates et un vieux cheval ainsi qu'un tombereau pour les transporter et les vendre dans les villages. Les journées étaient dures, le travail pénible mais le petit commerce prospérait et la dette pourrait bientôt être éteinte. Un après-midi alors qu'il commençait à pleuvoir, notre vieux cheval fourbu s'écroula comme une masse, raide mort, cassant net les brancards, renversant le tombereau et son chargement, les patates roulant éparpillées dans toutes les directions. Pour moi c'était un accident et j'avais du chagrin pour le vieux cheval, pour ton grand-père c'était un drame; le cheval, c'était une partie de son fonds de commerce, sa perte, c'était la ruine. Je me souviendrais toujours de ce colosse aux cheveux ras et à la moustache tombante, il fit quelques pas de sa démarche hésitante due aux os mal ressoudés de ses jambes, ses épaules se voûtèrent et il finit par s'asseoir au milieu de ses patates. Alors pour la première et la dernière fois de ma vie je vis ce géant pleurer à longs et douloureux sanglots.

De ses doigts épais qui pouvaient plier sans effort n'importe quelle pièce de monnaie, il essuyait les larmes qui ruisselaient sur son visage mêlées aux gouttes de pluie de plus en plus nombreuses. J'ai mis mes bras autour de son cou et j'ai pleuré avec lui tandis que le ciel noircissait dans l'orage naissant..."

D'après mon père, Arthur n'avait aucune ambition ou plutôt sa seule ambition était de reprendre l'épicerie familiale. Cet homme simple le restera toute sa vie avec la modestie en prime. C'est sans doute ce manque d'ambition, cette modestie, cette incapacité à "marcher" sur ses contemporains pour leur passer devant, qui a pénalisé quelque part sa carrière ou du moins l'a rendue moins "remarquable" que celle de collègues pourtant pas plus doués.

 

C'est donc son père, François François, qui voulait pour son fils autre chose que la mine et l'épicerie et c'est paraît-il chaque jour que François François devait littéralement pousser Arthur à coups de pied dans les fesses, sur la route de Mons pour gagner le Conservatoire.

 

On peut tout à fait imaginer l'extraordinaire émotion qui a du les saisir tous deux, lorsqu'un soir au sortir de la Monnaie, comme le relate la presse, Arthur acclamé par la foule, reconnaît son père parmi elle et qu'ils  tombent dans les bras l'un de l'autre !

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Arthur DARMEL, artiste lyrique
  • Arthur FRANCOIS dit DARMEL (1879-1944), fut un grand artiste lyrique de l'école de chant belge. Baryton puis ténor, sa brillante carrière s'est déroulée jusqu'en 1930 au sein des plus prestigieuses institutions à Bruxelles, Londres et Paris notamment.
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