Au travers des souvenirs
paternels, j'ai pu percevoir que mon grand-père portait généralement un
jugement. amène sur ses collègues.
Cela allait de la franche
admiration (Marthe Chenal, par exemple, avec qui il avait chanté ou Fédor Chaliapine quelque peu titubant dans les coulisses), à des avis professionnels
parfois plus nuancés mais jamais méchants.
A preuve cette photographie
figurant dans l'album "ténor", qui regroupe en costume, les trois
protagonistes masculins de Paillasse, André Baugé, Henri Albers et Arthur
Darmel. Cette photographie a été prise dans le jardin de la propriété d'André
Baugé à Maisons-Laffitte, propriété aujourd'hui disparue et remplacée par un
complexe résidentiel qui porte le nom de l'ancien propriétaire.
Une seule exception, toutefois, à
l'égard d'un grand ténor français de l'époque contemporain de mon grand-père,
que je ne nommerais pas et qui ne fut sans doute pas étranger aux cabales que
mon père relève dans la biographie qu'il a établie. Il est vrai que cette
grande maison que fut l'Opéra Garnier n'a jamais manquée de ce genre de
cabales.
Mon grand-père gardait un
souvenir attendri du grand César Vezzani qu'il connaissait apparemment bien.
Cette magnifique voix d'après lui
s'accompagnait familièrement parlant d'une grande "gueule". Il
racontait cette anecdote savoureuse révélatrice du tempérament quelque peu
explosif et truculent de son collègue. En but à des problèmes de cordes
vocales, César Vezzani rapporte à mon grand-père qu'un médecin
otorhinolaryngologiste peu scrupuleux ou incompétent, lui a diagnostiqué un
nodule et qu'il faut l'opérer. Méfiant, on le comprend, César Vezzani consulte
un autre médecin qui ne trouve rien. Furieux le grand ténor retourne voir le
premier, le soulève par les revers de
son veston et lui hurle à la figure "votre nodule vous pouvez vous le
mettre au trou du c…" avec, paraît-il, un formidable accent corse.
Petite remarque personnelle et
sans bien entendu faire de généralités car je ne suis pas spécialiste des
biographies de tous ces grands chanteurs, j'ai le sentiment que le chant était
à l'époque l'un des grands "ascenseurs
sociaux" pour toute une génération à commencer par Caruso, jusque dans les
années 50 (je pense à Gabriel Bacquier). Epoque bénie, la boxe puis le football
sont venus après !