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Arthur DARMEL, artiste lyrique
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Arthur DARMEL, artiste lyrique
18 février 2011

A propos de l'auteur

Cela fait certainement prétentieux mais après tout ce blog est à destination familiale et notamment pour mes enfants, alors je me lâche un peu...

Comme le chantait Balavoine, "j'aurais voulu être un artiste", lyrique évidemment.

J'ai fréquenté l'opéra dès le plus jeune âge, j'ai des souvenirs "brumeux" de Jacques Chazot dans le foyer de l'opéra-comique et d'une Carmen. Les choses sérieuses commencèrent pour moi en 1963, onze ans, j'entends à l'Opéra Garnier, Wozzeck  dirigé par Pierre Boulez. Mon grand-père maternel, une crème d'homme, haut-fonctionnaire mais peu mélomane bien que lié alors fonctionnellement à la RTLN (Réunion des Théâtres Lyriques Nationaux), ronfle discrètement. Moi, j'écoute, je ne comprends pas grand chose mais je suis fasciné. L'année suivante, 1964, encore une émotion avec la Damnation de Faust et le scandale Maurice Béjart. C'est sans doute grâce à cette initiation que j'ai pu échapper au conservatisme musical de bien des lyricomanes.

Car c'est ce que je deviens. Dès les années 1970 en compagnie de l'ami de plus 45 ans dont j'ai parlé ailleurs, je vais me "couler" dans ce monde un peu particulier et assez fermé des vrais amateurs  de lyrique. Un monde où l'on peut faire la queue une nuit pour écouter la diva vieillissante dont on sait qu'elle est sur sa "fin", un monde où l'on sillonne les festivals, où l'on attend les chanteurs en coulisses pour un autographe et avec qui on devient ami à force de patience (Georges Thill rencontré peu de temps avant sa mort dans sa retraite du midi), un monde également où la "collectionnite" est aigüe, souvenirs, objets, programmes et surtout disques.

Dans ce milieu alors que j'entame des études juridiques qui m'ennuient prodigieusement, je décide de suivre les traces de mon grand-père et de devenir artiste lyrique. Six ans d'études au conservatoire (celui du 7ème arrondissement de Paris) avec Madame Arvez Vernet puis avec la soprano Magda Lierman avec qui je suis en plus des cours particuliers. Je continuerais de profiter de son enseignement  et elle m'accompagnera au piano seul ou avec des amis jusqu'au début des années 90. C'est chez elle où elle organisait des petits "séminaires" que je rencontre son époux, le baryton Yvon Le Marc'Hadour. Ce vieillard qui approchait les quatre-vingt ans à l'époque, au regard malicieux, avait miraculeusement conservé quasi intacte sa voix. En 1936 il chantait déjà Monteverdi et ce n'était pas courant, c'était surtout un merveilleux interprète de la mélodie française. Je le place au-dessus de Panzera et de Bernac, même de Souzay ou de Maurane. Cette race d'interprète a totalement disparu avec Bernard Kruysen. J'ai donc pu profiter de quelques conseils de sa part ainsi que de souvenirs d'un temps perdu où des mécènes invitaient ces artistes dans leur "salon".

C'est grâce à lui et à Magda, que je passe une audition devant Irène Joachim, la plus grande Mélisande "moderne", à son domicile du 16ème à Paris. Irène Joachim accepte de me parrainer pour l'entrée au Conservatoire Nationale Supérieure  de Musique de Paris, encore rue de Madrid.

En 1978, je passe donc, avec ma passable voix de "baryton verdi", le concours où j'échoue brillamment. Je présente les Noces de Figaro, mais devant la présidente du jury, l'impitoyable "lionne" Régine Crespin, je perds mes moyens. C'est là que je me rends compte que je ne parviens pas à surmonter mon trac et à maîtriser mon stress, les deux ennemis redoutables de la "colonne d'air" sur laquelle tout repose pour le chanteur. Malgré des encouragements à le faire, je renonce à me représenter l'année suivante.

En 1980, je participe à un petit concert public organisé par le conservatoire du 7ème à Paris comme ancien élève, salle Adyar. J'interprète l'un des Dichterliebe de Schumann. Le baryton Jean-Christophe Benoît est dans l'assistance, il cherche de jeunes artistes pour le festival d'Albi qu'il anime. Il m'évoque la possibilité d'un engagement. Je passe la nuit à réfléchir et le lendemain je décline la proposition.

Comme le chantait Aznavour, "je me voyais déjà en haut de l'affiche". Chanter les "1er soldat" comme mon grand-père l'avait fait à ses débuts ne me tentait pas. Je voulais être Pasquale Amato et Tita Ruffo réunis ou rien. Ce fut donc rien.

Dix ans encore  de chant en amateur, organisant des récitals dans ma cuisine (bonne sonorité) chantant comme Carmen "pour moi-même", je choisissais néanmoins une autre voie professionnelle plus calme et surtout plus sûre. Une vie qu'enviait tant mon grand-père Darmel, pour qui la précarité de l'artiste était un tel souci qu'il a toujours refusé le moindre cours de chant à ses trois fils.

Mélomane,  je l'espère averti, grand collectionneur depuis quarante ans de vieilles cires, spectateur assidu des soirées lyriques, j'ai ainsi compensé l'absence d'une carrière d'artiste. En me replongeant dans la vie de mes grands-parents, j'ai le sentiment, même pas procuration, de retrouver cette émotion de la scène que je n'ai éprouvée que très fugitivement.

Nulle amertume chez moi, une interrogation seulement et si après cette nuit de 1980, j'avais finalement dit oui à Jean-Christophe Benoît, quelle aurait été ma vie ? Inutile de revenir sur le passé, je ne regrette pas d'avoir tenté d'emprunter ce chemin sans parvenir jusqu'à son terme, c'était de toute façon une expérience très riche qui a tout de même façonné mon existence même indirectement.

A la différence de mon grand-père, par contre, si mes enfants avaient le bonheur de persévérer dans la voie culturelle et artistique à laquelle ils se destinent, je ferai tout pour les y encourager. Malgré la précarité qui règne toujours dans ce domaine, il n'y pas de raison que cela change dans un monde de plus en plus régi par le commerce et la finance, je crois qu'il faut persévérer lorsque l'on a vraiment un objectif avec quelques talents permettant de penser que l'on pourra l'atteindre.

Enfin, si comme le chantait Léo Ferré, ce ne fut pas "la grande vie", la "vie d'artiste", c'est ma vie et "c'est bien comme c'est".

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Arthur DARMEL, artiste lyrique
  • Arthur FRANCOIS dit DARMEL (1879-1944), fut un grand artiste lyrique de l'école de chant belge. Baryton puis ténor, sa brillante carrière s'est déroulée jusqu'en 1930 au sein des plus prestigieuses institutions à Bruxelles, Londres et Paris notamment.
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